Au commencement était… (Note préliminaire)

Hier grâce à cette formidable initiative qu’est le Politic Social Club (un jeudi sur deux à l’Angerie -Arles) : j’ai découvert le travail de David GRAEBER.

J’ai subi ma quatrième blessure narcissique.

Le récit majoritaire de l’évolution de l’humanité, démarrant à un stade de communisme primitif et naïf. suivi d’une complexification des organisations passant nécessairement par des stades d’exploitation (chefferie, village, ville , cité état, empire) pour aboutir dans un futur plus ou moins éloigné à un communisme conscient, efficace et organisé. Ce récit est une simple contingence, pire : c’est une construction justifiant la supériorité morale, intellectuelle et technologique des européens sur le reste du monde.

Selon GRAEBER et WENGROW ces sociétés auraient été capables de complexité sans céder à la tentation de la hiérarchie. Elles auraient su consciemment modifier leur organisation au fil des saisons en fonction des tâches à accomplir collectivement, tantôt autoritaire pour la chasse au bison, tantôt autogérée pour la cueillette. Elles redistribuaient le surplus de production lors de potlatch orgiaques et étaient capables d’adopter temporairement des hiérarchies singeant les états complexe le temps d’un carnaval.


Ma vision du monde vacille ….

Déboulonnage ultime, Graeber considère que Jean Jacques ROUSSEAU – le géniteur du courant de pensée auquel je m’identifie glorieusement – aurait en fait été influencé par les thèses que les peuples indigènes (que la civilisation auto proclamée “fer de lance de l’universalisme des lumières” considère comme “sympas et libres mais quand même un peu ridicule avec leurs rituels a plumes”) avaient soumis aux jésuites chargés d’évaluer si oui ou non les sauvages avaient une âme.

Ces peuples que l’on pensait émanciper de leur condition de nature avec le flambeau des lumières seraient en fait ceux qui nous ont offert le feu et prêté la torche.

Après ce coup de poignard à l’ego, je me ressaisis… “c’est quand même un peu gros, tout ça” et je sens que cette thèse d’une part repose au moins en partie sur un certain “cherry picking” de ses auteurs et que d’autre part, elle ne rentre pas parfaitement dans ma vision marxiste, en effet :

  • soit elle a des angles morts sur les rapports de production,
  • soit le matérialisme historique n’est pas valide pour analyser ces organisations.

Dans un cas comme dans l’autre y réfléchir me forcera à affiner ma pensée.

J’ai donc décidé d’entreprendre une lecture critique des 700 pages du livre de GRAEBER et WENGROW. Comme je ne souhaite pas le lire pour rien, plutôt qu’une lecture passive, je vais tenter de formaliser ma réflexion. Je partagerai ici ce travail, un peu à l’image de ce format de podcast de “Floraison” où l’auteurice présente et résume un livre puis explicite le contenu en faisant des parallèles ou en décrivant des limites du raisonnement. Je n’ai pas d’autres formations en anthropologie, pas de formation en philosophie. Mais je vais tenter d’y appliquer une grille d’analyse matérialiste et dialectique.

Ces notes ont principalement pour vocation de structurer ma réflexion et de soumettre mon analyse à mes ami.e.s et camarades. Si toutefois vous avez une remarque à émettre, un angle mort à relever, une analyse à proposer, une correction à suggerer. Sentez vous libres d’utiliser l’espace de commentaire.

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